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MOTIV(é)R #3 - Seul en tête

Soumis par Alain Vanderbeke le

Il y a un peu plus d’un an, j’ai reçu l’appel d’une dame désirant que je rencontre son mari pour une séance de coaching individuel. Étonné d’abord, je la questionne sur ses motivations et sur les raisons pour lesquelles ce n’est pas son mari qui m’appelle.

-    Il vous appellera demain. Il me l’a promis. Mais il faut absolument que vous le convainquiez d’arrêter le travail. Il doit se reposer. Il a déjà fait un burnout. Et là, je sens que ça va recommencer».


Le lendemain, comme convenu, le mari m’appelle et précise qu’il me contacte uniquement pour faire plaisir à sa femme. Il accepte tout de même un premier rendez-vous... pour voir.


Quelques jours plus tard, la rencontre se fait avec un homme d’une cinquantaine d’année, sûr de lui, d’allure robuste, me saluant d’une poignée de main ferme et déterminée :

-    Que les choses soient claires, je ne suis pas ici pour que vous me fassiez la leçon. Je sais très bien où j’en suis, et je sais très bien ce que je risque. Mais il n’est pas question que j’arrête maintenant. C’est le pire moment de l’année pour m’absenter : les élèves ont besoin de moi ! »

Il travaillait dans une université en tant que responsable logistique et, le mois de septembre approchant, il devait être présent pour les secondes sessions d’examens et les TFE de certains étudiants. Son manager était absent encore deux semaines, et son collègue avait profité de l’été pour trouver un autre emploi.
Il se retrouvait donc seul à gérer la logistique de tout un département qui commençait à se réveiller de sa léthargie estivale, et il attendait de moi que je l’aide à s’organiser pour tenir les deux semaines qui le séparaient du retour de son manager.


Ici, la motivation est devenue un facteur de contre-performance. Car engagé, il l’était, impliqué aussi, plus qu’il ne le devait. Mais il se trouvait en manque cruel de moyen, et surtout totalement seul face à ses objectifs.


Plus tard, un autre client est venu me voir, qui vivait une situation totalement différente et pourtant terriblement similaire.
Un homme d’une trentaine d’années dépérissait dans un emploi qu’il avait pourtant désiré et pour lequel il s’était battu. Il travaillait pour une entreprise internationale spécialisée en aéronautique.  Ingénieur de formation, il analysait des concepts innovants et dressait un bilan au concepteur afin de planifier d’éventuels développements.
Il avait tout ce qu’il désirait : un travail passionnant, un salaire et des avantages conséquents, un environnement de travail moderne, technologique et innovant.


Il venait me voir pour trouver une méthode qui l’aide tenir ses délais. Car en effet, il avait beau passer 11 heures par jour au travail, il ne trouvait jamais l’énergie pour maintenir son attention sur l’écriture de son document d’analyse. Il ne désirait pas quitter son emploi qui continuait à le faire rêver, mais il était devenu un robot qui allait et venait, suivant les conventions, donnant l’impression que tout allait bien. 
Et personne ne se rendait compte de rien. Ni même son manager qui mettait les retards successifs sur la complexité apparente de sa tâche.


Dès sa première visite, nous avons échangé sur le contexte de travail et, très rapidement, il s’est avéré que la solitude était son quotidien. Il passait toutes ses journées à travailler sur un seul et unique projet dont il était le seul en charge, et en rendait compte une fois par mois, lors d’un échange rapide avec son manager.
Seul, il n’arrivait pas à trouver la motivation, l’envie, le désir. Il n’avait aucune satisfaction et ne recevait aucun feed-back.


L’organisation d’une entreprise est un important vecteur de motivation. La solitude et l’isolement d’un employé ne sont pas que des caractéristiques géographiques. Les humains sont des êtres sociaux qui ont besoin de relations, de communication et surtout, de signes de reconnaissance.
Le travail en équipe (réduite) permet le développement d’une collaboration étroite, d’une attention de chacun et d’un partage de savoir permanent. 
Les modes d’organisation de type sociocratique ou holacratique proposent de garder un contact permanent entre tous les membres d’une entreprise, définissant des responsabilités partagées. Développant l’autonomie, le leader de chaque équipe est choisi en volontariat et suivant l’accord de tous, sans exception.


Pour info : 
Le premier client m’a appelé le lendemain de notre rendez-vous pour me prévenir qu’il n’y aurait pas de seconde session. Il était passé le soir même chez son médecin pour demander un arrêt du travail. Il m’avait suffi de lui faire imaginer la situation lorsque son manager serait de retour, la chute en burn-out qui l’attendait, et ses conséquences sur lui et ses proches.
Le second client n’a pas réussi à modifier l’organisation de son travail ni à s’intégrer à une équipe. Le management a considéré la situation, sans pour autant s’adapter. J’ai compris par la suite de nos échanges qu’il avait été remercié.