MOTIV(é)R #7 – l’entreprise de demain
Il faut avoir un soupçon de prétention pour oser définir l’entreprise de demain. Et pour ma part, il faudra dépasser le soupçon pour considérer l’évidence : je n'ai que des intuitions basées sur une expérience toute relative. En gros, c’est un essais dont vos commentaires seront ma meilleure satisfaction.
Il n’empêche que c’est un exercice plutôt sain qui devrait être donné à toute personne impliquée dans le développement d’une entreprise, et de préférence celle où elle est employée.
Je vais donc m’amuser à imaginer cette société sur base de mon expérience. Il ne s’agit pas d’en faire une utopie ou une dystopie, il ne s’agit pas d’imaginer le meilleur ou le pire. Il s’agit simplement d’imaginer cette entreprise de manière dépassionnée, et d’en faire un constat anticipatif.
Je base mon récit sur les deux modes de fonctionnement de l’entreprise : le mode opérationnel, et le mode développement-projet. A ce jour, ces deux modes sont déjà entremêlés et, à l’avenir, ils le seront encore plus. Cette mixité est une difficulté supplémentaire dans le fonctionnement des individus : lorsque l’un travaille sur le maintien et la stabilité, l’autre cherche à modifier et transformer, lorsque l’un doit résoudre les incidents avec vélocité, l’autre profite de temps pour adapter le développement, lorsque l’un travaille sur la maitrise des outils, l’autre en cherche constamment de nouveaux, et lorsque l’un modélise et définit des processus, l’autre change d’avis et déstabilise.
Pour améliorer sa performance, l’entreprise va renforcer le mélange de ces deux mondes en essayant de créer un modèle synthétique qui profite de leurs avantages tout en neutralisant leurs défauts. On remplacera bientôt le mot Agile par un autre qui correspond mieux à cette union improbable, ce qui lui donnera une réalité et une authenticité indispensable à tout changement.
La mixité employé/consultant sera renforcée pour permettre l’intégration temporaire d’expertises très pointues, tout en garantissant une transmission de la connaissance en interne. Cela aura pour effet une plus rapide évolution des compétences et une intégration soutenue des technologies, mais aussi l'augmentation de la volatilité des collaborateurs au sein de l’organisation, déjà accrue par la croissance de la versatilité des ambitions individuelles.
Il y a de forts risques que les entreprises ne prennent pas suffisamment conscience des risques liés à ce turn-over constant et intense. Elles chercheront à développer le bien-être, voire même le bonheur de leurs employés, mais elles finiront vite par être déçues du peu de considération qu’il leur sera témoigné. De cette proximité permanente avec les consultants se développeront deux réactions : pour les plus assidus, un besoin de s’éloigner du vacarme cognitif, et pour les plus volatiles, un besoin de prendre l’air vers d’autres horizons professionnels.
Certaines sociétés auront l’œil pour observer au travers de leurs managers, les ressources qui ont une valeur stratégique. Elles valoriseront ces personnes en leur donnant des objectifs et des responsabilités à la hauteur de leurs ambitions. Elles entoureront chaque ressource identifiée par une équipe adaptée, qui pourra l'épauler et apprendre à son contact. Chacune de ces équipes sera en développement de compétence et d’autonomie grâce à l’accompagnement d’un manager-facilitateur. Le rôle de ce dernier sera d’assurer la cohésion et la collaboration en leur sein, de les accompagner et de faciliter la coopération entre elles.
Les leaders ne seront plus des fabrications artificielles du management, mais bien des personnalités fortes et stratégiques, issues directement de l’ensemble du personnel de l’entreprise, incluant ses dirigeants et ses opérationnels. Au même titre que toute autre compétence technique, les compétences humaines et le leadership seront valorisés et accompagnés par des managers formés à la posture de coach.
Dans cette vision de l’entreprise de demain, il y aura naturellement un rapprochement fort entre le département RH et les managers. Ces deux fonctions seront indissociables, l’une s’appuyant sur l’autre pour maintenir le niveau de compétence, le niveau de bien-être et le niveau de motivation, qui ensemble, permettent la performance attendue par l’entreprise.
Cette évolution devra nous amener tout naturellement à une épistémocratie, système organisé où l’entreprise toute entière est axée sur l’optimisation et la mise en forme des décisions prises par ses experts (et non plus ses seuls dirigeants). Peut-être même que d’ici-là, il sera aussi possible considérer qu'une expertise provenant d’une équipe sera équivalente, voire meilleure, que celle d'un individu expert, internalisé pour la circonstance.
En terminant ces lignes, je me rends compte que tout ce que je viens d’écrire, ce n’est pas l’entreprise de demain, c’est bien celle d’aujourd’hui!