Qu’est-ce que la motivation au travail ?
Dernière mise à jour : 8 juil. 2021
Comment peut-on définir la motivation ? Quelle théorie est la plus à même de donner une définition exacte de ce qui nous motive ? Quelle est le rôle des émotions ? Et quelles sont les particularités de la motivation professionnelle avec les autres motivations ordinaires ? Quelle est la différence entre motivation et stimulation ?
Les origines d’un concept marketing
Le mot « motivation » a été inventé par deux spécialistes en psychologie du comportement des consommateurs : Louis Cheskin (1) et Ernest Dichter (2), tout deux revendiquant la paternité du concept.
Ce qui est intéressant, c’est de noter que le mot tire son origine de l’étude des comportements d’achat. Le contexte économique de son origine a toute son importance dans la compréhension des biais qui lui ont succédé et qui lui survivent encore aujourd’hui dans la définition du mot.
Louis Cheskin, pionnier dans les domaines de la recherche prédictive sur les motivations d’achat, a longuement étudié les influences que l’environnement pouvait avoir sur l’intention du client à passer à l’acte. C’est lui, par exemple, qui a recommandé à McDonald de garder son logo en forme de M. Dans les année ’60, l’entreprise désirait changer l’image de son enseigne. Cheskin réussi à les convaincre de garder cette forme ronde qui, selon lui, rappelle la forme des seins d’une mère (projection freudienne) (3).
Ce contexte économique des origines de la motivation influence encore aujourd’hui la perception que nous en avons. La motivation est encore fortement considérée comme un phénomène instinctif, pulsionnel, presque animal. Il irait chercher son origine dans nos désirs incontrôlables.
Heureusement, depuis ces deux experts en marketing, de très nombreux spécialistes et scientifiques se sont penchés sur le sujet et ont élargi le champs de recherche à tous les contextes de la vie, bien au delà des espaces de vente et de commerce.
Trop de théories tue la théorie
Lorsque l’on dépasse le carcan restrictif de l’homo economicus (4) pour définir la motivation, on peut alors s’intéresser aux autres approches qui ont été envisagées il y a bien longtemps déjà.
Platon proposait déjà des réflexions sur le désir, l’émotion et la raison.
Mais ce sont surtout les recherches scientifiques et les études menées en laboratoire après les années ’50 qui vont réellement consolider les bases de la définition.
Parmi les plus connues, il y a
La théorie bifactorielle de Herzberg
La théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan
La théorie V.I.E. de Vroom
La théorie du sentiment d’efficacité de Bandura
La théorie de X et de Y de McGregor
La théorie de l’équité de Adams
et quelques autres …
En fait, bien plus que quelques autres puisque dans les années ’80, on recensait déjà près de 140 définitions et théories différentes sur les mécanismes de la motivation.
Il devient donc très difficile pour des personnes non-expert en motivation comme un manager ou un directeur, de comprendre ce qui est utile et d’utiliser ce qui est compréhensible.
En d’autres mots, trop de définitions tue la définition.
Vers une définition simple … pas à pas
Le meilleur représentant de la connaissance sur les théories de la motivation est (selon moi) Fabien Fenouillet. Il a condensé en un livre une grande partie des théories disponibles et compréhensibles sur le sujet. Avec « les théories de la motivation », il propose la revue des principaux modèles, qu’il tente d’intégrer à un modèle générique, un modèle des modèles.
Je reste perplexe sur le résultat final, mais il n’en reste pas moins que l’exercice mérite d’être salué et que, même si seul F. Fenouillet et quelques disciples proches arrivent à déchiffrer son méta-modèle, le travail a été fait.
Au final, F. Fenouillet nous propose une définition générique, en quelque sorte intégrative, de la motivation :
« La motivation désigne une hypothétique force intra-individuelle protéiforme, qui peut avoir des déterminants internes et/ou externes multiples, et qui permet d’expliquer la direction, le déclenchement, la persistance et l’intensité du comportement ou de l’action.» (5)
En gros, c’est à peut près tout et n’importe quoi. En tous les cas, c’est inutilisable pour un manager lambda, et rien ne permet d’y puiser les sources d’une mise en action, ni même d’une simple prise de mesure.
Attention, je ne critique pas cette définition. Selon moi, elle est tout à fait correcte.
Et d’ailleurs, elle met en avant un élément que je considère comme fondamentale dans la mise en pratique de stratégie de motivation en entreprise : la motivation est intra-individuelle. Cela signifie qu’elle est interne à l’individu motivé. Elle prend sa source au cœur de l’individu.
De cela, il va être possible de faire une distinction sémantique importante :
Motiver quelqu’un est techniquement impossible. Seuls les affects et les émotions d’une personne sont capables de motiver cette même personne.
Pour tout autre, le seul moyen d’affecter cette motivation sera au niveau de la stimulation.
La motivation est endogène : elle prend sa source à l’intérieur de l’individu
La stimulation est exogène : elle affecte la motivation de l’extérieur de l’individu.
Voilà bien la seule chose vraiment utile à retenir de toutes ces définitions, pour un manager, un directeur ou un représentant RH.
J’ai cependant ma pierre à apporter à l’édifice.
J’ai moi aussi une définition. Une définition terriblement générale, au point qu’elle en est remarquablement simple, limite simpliste.
« La motivation, c’est la réponse au POURQUOI des actes »
Pourquoi je mange ? Parce que j’ai faim. Ma motivation est la faim.
Pourquoi j’aime cette personne ? Parce qu’elle m’apprécie. Ma motivation est d’être apprécié.
Pourquoi je travaille ? Parce que j’ai besoin d’argent. Ma motivation est l’argent.
Et l’on remarque rapidement qu’il est possible d’avoir plusieurs motivations pour un même sujet.
Pourquoi je travaille ? Parce que j’ai besoin d’argent, parce que j’aime mon boulot, parce que je rencontre des gens sympas, …
Et s’il fallait ajouter une nuance, je dirais que la motivation, c’est la réponse au POURQUOI des actes, mais aussi au POUR QUOI. C’est ce qui me pousse à faire les choses, mais aussi ce qui m’attire à faire les choses.
C’est, comme un méta-programme en PNL, « s’éloigner de » et « aller vers » (6)
Nous avons ainsi deux fondamentaux de la motivation :
Les « pourquoi » qui représentent les besoins
Les « pour quoi » qui représentent les désirs
Le commerce des émotions
Depuis Platon, nous savons que nos désirs sont le fruit de nos émotions.
Les émotions, c’est le moyens le plus puissant qu’utilise notre inconscient pour nous faire agir, parfois même à l’insu de notre plein gré…
C’est d’ailleurs à cette conclusion que sont arrivés nos deux chercheurs en marketing, Louis Cheskin et Ernest Dichter. Nos émotions sont les principaux acteurs de nos motivations.
Pour stimuler notre motivation, il faut donc stimuler nos émotions.
Et c’est à cela que s’emploie la majorité des entreprises qui proposent leurs services en démotivation du personnel : donner un coup de boost à nos émotions positives.
Comment faire cela ? Il faut simplement aller chercher du côté des hormones du bonheur.
Attention: ceci est une définition personnelle sans preuve à l’appui
Car une émotion est au final, le résultat physiologique d’une charge de neuro-transmetteurs ou d’hormones spécifiques envoyés par notre inconscient pour nous faire réagir. Que ce soit la colère, la peur, le rire ou tout autre émotion, celle-ci apparait suite à un besoin exprimé par l’inconscient pour lui permettre de sortir d’un état de double contrainte.
Le rire survient d’une double contrainte entre, par exemple, la honte ou la gène et l’absurdité de la situation.
De nombreuses entreprises proposent donc des outils de motivation basé sur la stimulation par les émotions. Et pour la grande majorité d’entre elles, elles se limitent aux émotions puissantes et rapides, car elles donnent des résultats visibles et remarquable dans un délais court. La performance est démontrée, et la confiance est établie.
Ces émotions fortes sont le rire, la joie, l’enthousiasme, l’excitation, et quelques autres tout aussi visuelles et auditives. Et elles se basent toutes sur les deux hormones (7) les plus connues dans ce domaine : la dopamine et l’adrénaline (et les endorphines pour faciliter le transit)
Pour y parvenir, on vous proposera des team-building sportifs, des spectacles ou des concerts, des fêtes du personnel, et plein d’autres activités qui produiront naturellement les hormones du plaisir et de la récompense.
Mais ces hormones, et les émotions qu’elles créent, ont deux vilains défauts :
Elles ont un effet très court dans le temps
Elles demandent toujours plus de stimulation pour atteindre un effet équivalent
Vous obtiendrez donc un effet « wow » qui donnera très rapidement de l’énergie à votre équipe.
Mais au lendemain de l’activité, cet enthousiasme retombera très rapidement, et les résultats sur le long terme seront assez médiocres, surtout au regard de l’investissement consenti pour de telles activités de masse.
C’est ce que j’appelle « la motivation dopamine » : une motivation très vendeuse, qui a la couleur de la performance, l’odeur de la performance, le gout de la performance, mais qui n’est bien souvent qu’un pétard mouillé.
La motivation sérotonine
Parmi les hormones (7) du bonheurs, on ne trouve pas que la dopamine. On y trouve aussi la sérotonine et l’ocytocine.
La sérotonine (8) a pour fonction d’apaiser son hôte. Elle va l’aider à limiter ses prises de risques et à faire des choix qu’il estimera plus favorable à sa survie.
La sérotonine va aussi améliorer la régulation du rythme circadien, et donc avoir un effet bénéfique sur le rythme du travail et sa pérennité.
L’ocytocine (9) va influencer positivement l’empathie, la relation aux autre, l’attachement.
Ainsi, si la dopamine et la recherche du plaisir immédiat ont une belle renommée dans cette doctrine connue sous le nom d’hédonisme, la motivation sérotonine tentera plus de se rapprocher vers une doctrine appelée sous le nom d’eudémonisme (10), et dont la plus connue est l’épicurisme.
Il s’agit d’une forme d’hédonisme raisonné, que Spinoza a développé lui aussi dans sa quête de la définition du bonheur.
Il y a donc, derrière les strass et les paillettes de la motivation dopamine, une motivation sérotonine qui tente à développer et à enraciner la motivation sur le long terme, sans risque de rejet ni d’accoutumance. C’est une motivation basée sur le partage et le respect, l’écoute et la confiance, la collaboration et l’esprit d’équipe. C’est aussi une motivation basée sur le temps long, sur l’engagement collectif, sur le désir d’un avenir commun et partagé, sur la construction d’une culture d’entreprise basée sur des valeurs vécues et empiriques.
Conclusion
La motivation est un sujet trop vaste et complexe pour se résumer à une définition simple et fonctionnelle.
La motivation est dès lors compliquée à mesurer. Encore faudrait-il pouvoir la qualifier (ce que nous feront dans le prochain post).
Mais de manière simple, il est possible de considérer que la motivation est affaire de toutes et tous. Qu’elle est un phénomène propre à chacun, et que les autres y participent par les effets de stimulation qu’il lui apportent.
Enfin, il y a deux formes de stimulation : l’une qui va s’appliquer sur une « motivation dopamine » et l’autre qui va s’appliquer sur une « motivation sérotonine ».
Les deux sont importantes.
La motivation dopamine sera utile pour lancer ou relancer une motivation, comme par exemple suite à une période creuse entre les membres d’une équipe, ou pour le lancement ou la célébration d’un projet.
La motivation sérotonine aura quant à elle une réelle efficacité sur le long terme et sur une stimulation quotidienne et permanente. Elle aura pour effet de maintenir le niveau d’engagement des collaborateurs pour assurer leur implication et le maintient de la performance, tant qualitative que quantitative.
Je vous invite à revenir régulièrement pour en apprendre davantage sur la motivation en entreprise, et plus particulièrement sur les leviers systémiques qu’il est possible de stimuler pour booster et réguler ses effets.
Rédaction : Alain VANDERBEKE
(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Cheskin
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ernest_Dichter
(3) https://www.bbc.co.uk/worldservice/specials/1616_fastfood/page6.shtml
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Homo_œconomicus
(5) https://www.lesmotivations.net/spip.php?article10
(6) https://www.wikipnl.fr/index.php?title=Méta-programmes
(7) le terme d’hormone est utilisé pour des raisons de vulgarisation, en lieu et place de neuro-transmetteur https://fr.wikipedia.org/wiki/Neurotransmetteur
(8) https://fr.wikipedia.org/wiki/Sérotonine
(9) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ocytocine
(10) https://fr.wikipedia.org/wiki/Eudémonisme